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Wonolo va-t-il tuer Pôle Emploi Spectacle?

Wonolo va-t-il tuer Pôle Emploi Spectacle?

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Dernièrement, un ami producteur TV m’a demandé si je ne connaissais pas un bon community manager. Sa demande m’a rappelé une scène qui s’est produite lors de la table-ronde, à laquelle je participais, à l’occasion de la 8ème Assemblée des médias et du 7ème art.

Wonolo1Cette table-ronde traitait des nouvelles responsabilités à l’heure du numérique dans le domaine des médias et du spectacle. En introduction, Thierry Happe, Président de l’Observatoire Netexplo, annonce qu’aux États-Unis, le Pôle Emploi local est en passe d’être supplanté par WONOLO, plate-forme d’intermédiation de type Uber. L’acronyme WONOLO signifie Work Now Locally. Cette plate-forme permet à des personnes ou des entreprises (Requestor) de proposer des tâches et aux personnes (Wonoloer) de proposer leurs compétences. Comme sur toute plate-forme de type 2.0, la personne qui effectue la prestation est notée par celui qui l’a employée. Meilleure est la note sur la plate-forme, meilleure sera la rémunération. Chacun peut ainsi espérer trouver une mission proche de chez lui et en recueillir une juste rémunération.

Un vent glacial est passé sur le public de cette table-ronde. Imaginer que le travail demain ne sera plus à durée indéterminée mais une réponse individuelle à des tâches proposées sur une plate-forme ne soulevait visiblement pas l’enthousiasme. Et là fut grande ma surprise. Évidemment, la culture française n’est pas à l’évaluation permanente en entreprise. Comme tout client en France d’un Fast Food importé d’Outre-Atlantique, je regarde toujours l’affichage annonçant le salarié de la semaine ou du mois, un peu comme une photo d’Italie dans une pizzeria. Une petite touche d’exotisme. Mais, pas notre culture.

Or, s’il existe un secteur dans lequel des projets nécessitent la création d’une équipe pour laquelle il sera recherché des compétences pour remplir des tâches…c’est celui du spectacle. Je rappelle que nous sommes à une table-ronde de l’Assemblée des médias et du 7ème art. Les intermittents du spectacle disposent d’un système qui permet aux producteurs de recruter pour une ou plusieurs journées des personnes afin qu’elles réalisent des tâches dans leur production. WONOLO ne devrait pas les effrayer. Au contraire même.

Comme sur toute plate-forme 2.0, chaque intervenant note l’autre. Sur la plate-forme Uber, le client note le chauffeur et le chauffeur note le client. La note d’un chauffeur est déterminante quand la plate-forme propose deux chauffeurs pour une course. Ça pousse à la qualité. Mais réciproquement, un client qui se comporte mal et présente une très mauvaise notation, risque de rencontrer des difficultés pour trouver un chauffeur, ceux-ci pouvant refuser la course. Sur la plate-forme WONOLO, si une personne est compétente et bien notée, elle sera mieux rémunérée et plus demandée qu’une autre moins bien notée. Ça pousse à la qualité. Mais, comme l’employeur est aussi noté, si sa note est basse, il aura du mal à recruter. Les personnes bien notées, donc compétentes, risquent de préférer d’autres missions. L’employeur aura du mal à trouver de bonnes compétences ou devra les payer plus cher. La plate-forme joue un rôle de régulation entre l’offre et la demande. Elle n’induit pas forcément l’encadrement social qui dépend de chaque pays.

Aujourd’hui, quand un producteur cherche une compétence, tel mon ami, il passe par le bouche à oreille. C’est long et hasardeux. Je vais lui donner le nom de quelqu’un qui connait peut-être quelqu’un. Pour les quelques jours de la durée de la mission, il ne pourra peut-être pas vérifier les capacités du candidat auprès de personnes pour lesquelles ce candidat aurait travaillé antérieurement. Ou s’il le fait, cela lui prendra encore du temps.

Si une plate-forme comme WONOLO existait pour le domaine du spectacle (ce qui ne remettrait en rien en cause le statut d’intermittent ou d’autoentrepreneur), elle permettrait bien plus facilement à des personnes de trouver des missions en sachant à quoi s’attendre vis-à-vis de l’employeur. Et pour l’employeur, ce serait un moyen de trouver des compétences avec une connaissance du niveau de qualité de l’employé. Au lieu de quelques jours, de nombreux mails et de coups de téléphone, en quelques clics, la plate-forme permettrait de rapprocher offre et demande, et de fluidifier le métier.

Comme souvent avec la mutation digitale, le problème est celui du tempo. Car, le risque est de voir arriver un acteur international qui voudra s’implanter en France en faisant fi de toute réglementation et toute législation. La vraie responsabilité des acteurs de l’audiovisuel est d’accepter cette mutation et de l’intégrer eux-mêmes dans leur environnement. Accepter, ce serait par exemple, accepter que Pôle Emploi Spectacle mette en place une plate-forme dans laquelle salariés et entreprises seraient notés. Si ce verrou (ou tabou) est levé alors il serait tout à fait possible de mettre en place rapidement une telle plate-forme, de rendre plus fluide et performant le marché du spectacle en France, et surtout de préempter le marché face à d’autres plates-formes.

Mais, pour que cela marche, il faut vraiment bien analyser ce qui fait les facteurs clés de succès de ces plates-formes ET les mettre en œuvre. Créer simplement une plate-forme ne suffit pas. Et là encore, le marché du taxi en est l’illustration. La G7, leader incontesté du marché à Paris, a lancé en 2013 son appli pour lutter contre Uber implanté depuis 2011. L’impact a été nul car celle-ci reprend le principe de la plate-forme de réservation téléphonique sans rien changer au service (voir l’article). Pour caricaturer un peu, ce que vous n’aimiez plus dans le taxi réservé par téléphone, vous pouvez le retrouver sur l’application. Ça donne envie. 

En conclusion, maintenant qu’ils connaissent l’existence d’un tel potentiel, il est impératif que tous les acteurs du métier du spectacle se réunissent pour mettre en place une telle plate-forme…et rapidement !

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