Télévision et téléphone mobile peuvent faire beaucoup contre l’illettrisme

Il  faut qu’on vous parle de B.A.BA-TV. Il s’agit d’un programme transmédia pour lutter contre l’illettrisme. D’un côté, une fiction courte, sympa, clin d’œil, qui s’adresse à tout public, racontant comment, grâce à un personnage d’animation (L’Ami BaBA), les protagonistes, des jeunes et des adultes de toutes origines, résolvent des problèmes de la vie courante… malgré leur analphabétisme. De l’autre, un service vocal sur téléphone mobile interactif pour retrouver l’Ami BaBA afin de développer et approfondir ce qu’il a apporté comme solution dans la fiction. Du transmédia pour passer en douceur du divertissement à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul.

Ce projet est né d’un constat qui surprendra ceux qui pensent que l’anglais est, et restera, la langue la plus parlée au monde. En effet, une récente étude de l’Institut National d’Étude Démographique estime qu’en 2050, le français sera la langue la plus parlée dans le monde (voir article). Cela est notamment dû à l’accroissement de la population en zone francophone africaine. Comme le mentionne l’article, l’étude a peut-être confondu personnes en zones francophones et personnes parlant français. Car, c’est là que le bât blesse. Les études de l’UNESCO montrent que ces zones africaines sont frappées d’un taux d’illettrisme parfois supérieur à 50%. Le challenge est donc énorme pour que dans 35 ans, le français devienne la langue la plus parlée.

La tentation serait de se concentrer essentiellement sur les enfants à naître. Or, si l’on veut que le français devienne la langue de référence pour les enfants, l’idéal est que les parents le parlent. Or, une personne de plus de 15 ans qui ne maitrise pas la langue française dans un pays où d’autres langues locales existent, est une personne qui a su mettre en place des solutions d’évitement ou de contournement du français. Sortie, voire jamais entrée dans le système scolaire, elle ne surmonte pas la difficulté de franchir la porte d’un lieu d’apprentissage et préfère accepter la vie que ce manque de formation implique. Quelles que soient l’efficacité et la performance d’un dispositif pédagogique mis en place pour aider les jeunes adultes et les adultes à acquérir les bases de la langue, si la salle de cours est vide, il ne se passe rien.

C’est là où la télévision montre son efficacité pour toucher le public et lui faire passer un message. En Afrique comme ailleurs dans le monde, la télévision est partout, même dans les coins les plus reculés. Et si elle n’y est pas, des panneaux solaires, une parabole, un téléviseur et la télévision est opérationnelle.

Le téléphone mobile est également partout. Même en Afrique[i],  ,  les jeunes et les adultes disposent d’un téléphone mobile dans leur poche. L’Ami BaBA est un personnage virtuel qui dialogue avec les personnages de la fiction via le téléphone mobile. Dans chaque épisode, il est appelé pour expliquer une notion, une règle qui permettra à notre protagoniste de sortir de la situation dans laquelle il se trouve. Comment appliquera-il le conseil de l’Ami BaBA ? Là réside en partie l’aspect sympathique et dédramatisant de la série. Le téléspectateur sourit, s’amuse. Tout le monde prendra plaisir à regarder. Mais le téléspectateur, ayant le même manque de compétences que les protagonistes de la série, verra immédiatement l’impact que ça peut avoir sur sa vie quotidienne. Ça va lui donner envie d’apprendre. Et c’est très exactement à ce moment précis que le service téléphonique B.A.BA entre en action.

Exactement comme les héros de la série, le téléspectateur peut décrocher son téléphone mobile, composer un numéro gratuit et se retrouver à dialoguer avec BaBA. Il pourra ainsi réécouter son conseil et répondre à quelques questions pour voir s’il a bien compris. Et comme L’Ami BaBA est diffusé tous les jours, il lui donnera rendez-vous pour le lendemain ou un autre jour.

Et sans s’en rendre compte, simplement, en ne faisant qu’un petit effort à la fois, le téléspectateur peut devenir un apprenant. Si le service téléphonique est gratuit et que L’Ami BaBA est diffusé sur une chaîne gratuite, le dispositif B.A.BA-TV constitue un moyen d’apporter immédiatement un outil d’accès aux bases de la lecture, de l’écriture et du calcul pour toute la population d’un territoire…même sur les territoires les plus reculés. Comme le téléphone mobile le plus basique contient à minima, un écran sur lequel du texte peut être lu et des touches contenant les chiffres et les lettres de l’alphabet, il est possible de dialoguer par la voix et par le texte. Largement de quoi faire acquérir des bases nécessaires à la vie quotidienne.

Au-delà, une fois que l’échange est bien installé entre l’apprenant et le service BaBA-TV, rien n’empêche L’Ami BaBA, le jour opportun, de lui proposer de venir à une réunion d’information sur les programmes d’alphabétisation qui sont mis en place près de chez lui. Grâce à l’Ami BaBA, le premier frein, celui d’accepter d’appendre, aura été levé. La probabilité que l’apprenant de B.A.BA-TV franchisse la porte de la salle où se trouve la réunion sera bien supérieure. Et comme les organisateurs auront été prévenus de sa venue, il ne sera pas accueilli comme un anonyme. De quoi le rassurer.
B.A.BA-TV est le maillon manquant de tout dispositif de lutte contre l’illettrisme en présentiel.

L’idée de B.A.BA-TV a germé au deuxième semestre 2015. Très vite, il est apparu que ce projet pourrait également être utile en France et notamment à Mayotte qui connaît un taux d’illettrisme impressionnant. Rencontrés en octobre, tous les acteurs locaux de la lutte contre l’illettrisme ont apporté leur soutien au projet. La chaîne Mayotte 1ère a été le premier diffuseur à nous donner son accord pour coproduire et diffuser l’Ami BaBA.  Ce soutien local a permis au projet d’avoir un écho sur la métropole et nous espérons pouvoir ainsi réunir le budget pour réaliser une première série de 30 émissions pour évaluer la méthode, avant de nous lancer dans le tournage des 240 épisodes restant. En effet, comme nous couvrons 3 matières (lecture, écriture et calcul) sur 3 niveaux (initiation, apprentissage et perfectionnement) avec 30 épisodes, l’ensemble de la série L’Ami BaBA compte 270 épisodes de 6mn. A raison d’environ 30mn d’activité sur le serveur vocal par émission, cela représente plus de 150 heures de cours accessibles à tous.

Philippe Mounier, producteur (PMMP) et éditeur du site Uptoten.com  a rejoint le projet. Grâce à lui et à son implantation à l’île Maurice, l’université de Maurice vient de rejoindre le projet en amenant son département e-learning qui viendra en complément de l’équipe pédagogique constituée de professionnels travaillant sur Mayotte et l’Afrique.

Le dossier est complet, tout est prêt. Il ne manque plus qu’une petite chose : boucler le budget. Nous y travaillons.

Prochaine étape, écriture du scénario du pilote, tournage et développement du service téléphonique de démonstration. Nous espérons avoir le tout pour la semaine de la langue française en mars. Ensuite, objectif octobre 2016 pour diffuser et évaluer les 30 premiers épisodes, avec en ligne de mire le sommet de la francophonie à Madagascar en Novembre 2016.

Toutes les bonnes idées pour permettre à ce projet de devenir une réalité sont les bienvenues. N’hésitez pas à nous contacter. Et si c’est juste pour nous adresser un message d’encouragement, nous prenons avec grand plaisir.

Restez connecté sur www.baba-tv.org pour connaître les évolutions de B.A.BA-TV.

[i] en 2017, 97% des africains auront un téléphone mobile dans la poche