France Ô, le challenge de la transformation digitale

En juillet 2018, les pouvoirs publics ont annoncé l’arrêt de la chaîne de télévision de France Ô. Pour mémoire, cette chaîne diffusée sur la métropole en TNT et par les opérateurs internet et câble, est consacrée la diversité culturelle et à la France d’Outre-mer. Dans quelques mois, cette chaîne sera remplacée par un service accessible par Internet. Une transformation digitale au pas de charge, pleine de défis.

300 personnes travaillent à Malakoff à produire la chaîne France Ô et ses prolongements digitaux. Dans quelques mois, avec l’arrêt de la chaîne, ce sera 100% des effectifs qui seront en charge du digital. Il aurait en effet été possible de simplement éteindre le signal diffusé sur la TNT et maintenir la diffusion de programmes audiovisuels via Internet, accompagnés de ses prolongements digitaux. Le dixième engagement de France télévisions dans son Pacte pour la visibilité des Outre-mer est de lancer en 2020 une nouvelle offre numérique des outre-mer, dotée d’un portail national dédié, et d’en faire progresser sa fréquentation.

Même si la chaîne est loin sur la grille TNT (canal 19), France Ô bénéficie d’une puissance de communication pour son offre digitale actuelle significative, renforcée par les bandes annonces sur les autres chaînes du groupe France télévisions. Demain, le portail sera un pur Player internet qui devra trouver son audience face aux autres pure Player digitaux, avec les mêmes moyens de communication. Il est donc nécessaire que la nouvelle offre digitale de l’Outre-mer en France joue avec les mêmes atouts que ces nouveaux concurrents. Il faut que le nouveau portail soit conçu comme une offre digitale native.

Un challenge et une opportunité

La transformation numérique d’une activité éditoriale est un chantier de grande ampleur car il impacte tous les aspects de l’entreprise tant au niveau de l’organisation que des compétences. C’est à la fois un challenge et une opportunité pour le Pôle Outre-mer de FTV.

• Challenge car il oblige à repenser en globalité le fonctionnement de l’entreprise. Nouvelle approche, nouvelles technologies, nouveaux métiers, nouvelle organisation.
• Opportunité car il offre la possibilité de positionner l’offre du Pôle Outre-mer dans une dynamique nouvelle et d’avenir. Le développement d’activité digitale liée à un média traditionnel se traduit trop souvent par une approche de type produit dérivé, arrivant en second dans le processus de l’élaboration du contenu. Cette approche se traduit dans l’organisation avec des équipes responsables du digital détachées voire déconnectées de celles du média d’origine. Difficile d’imaginer un dispositif global pertinent quand les équipes éditoriales ne travaillent pas en commun, n’ont pas les mêmes missions, voire les mêmes objectifs.

Ce travail de transformation numérique intègre donc une profonde modification du créateur au média. La télévision est un média linéaire, instantané. Cela formate les contenus pour ce support en unité de temps. Le programme est défini par son temps de diffusion sur l’antenne qui impose le temps d’exposition de l’utilisateur au contenu. L’écriture audiovisuelle sait depuis des années traduire cela en stratégie éditoriale pour attirer, séduire et satisfaire le téléspectateur. Dans l’univers numérique, cette temporalité n’est plus imposée. Cela change profondément le rapport à l’utilisateur et donc la nature même du programme. Le champ du possible s’élargit considérablement. La combinaison entre les différents supports (photos, vidéo, son, texte, interactivité) et les différentes origines (éditeur interne, producteur externe, utilisateurs) offre un grand nombre de possibilités au risque de perdre son public. Un foisonnement de formats et de thèmes traités entraîne obligatoirement une difficulté pour l’utilisateur de comprendre l’offre qui lui est proposée et de créer ainsi une habitude d’utilisation.

Comme nous l‘évoquons dans la conclusion du Livre Blanc « Quel avenir pour la télévision avec ou face à Internet ? » : « L’heure n’est plus (pour France Ô) où le numérique pouvait être considéré comme une activité connexe. » … « Il est temps d’adapter l’organisation des structures et de les repenser pour un media global et non par supports différenciés, qui n’est pas la perception du consommateur final. »

C’est très beau chantier auquel edition.fr est heureux d’avoir apporté sa contribution.