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Mourir peut attendre et le Dirigeant

Mourir peut attendre et le Dirigeant

Illustration rappelant l’ouverture des films de James Bond 007 pour illustrer l’article de Laurent Fonnet « James Bond et le Dirigeant épisode 2"Facebooktwitterlinkedinmail

Respect ou non des « presque 007 » points communs ?

Lors de la sortie de Mourir peut attendre le 6 octobre dernier1, j’étais tellement furieux que je n’ai pas voulu publier d’article sur ce nouvel opus et actualiser mon étude sur James Bond et le Dirigeant, publiée en juin 2020.
Furieux, parce que je n’accepte pas la prétention de Monsieur Craig, comédien et coproducteur, à avoir organisé, voire imposé, si l’on en croit les articles de presse parus au début de cette année qui mentionnent qu’il y pensait dès son acceptation du rôle en 2006, un cycle spécifique autour de sa personne à l’intérieur de la saga : de la naissance à la mort de 007 en cinq épisodes. En effet, James Bond reçoit son matricule « 00 » au début de Casino Royale, naissance alors de 007, et il meurt à la fin de Mourir peut attendre, après avoir récupéré son matricule.

Une fin imaginée par Ian Fleming ?

On peut imaginer, vu l’ambiance à la fin du film, dans le bureau de M, que, par mesure exceptionnelle, le matricule ne soit plus jamais attribué à un autre agent. Même si Ian Fleming a imaginé faire mourir son héros, notamment parce qu’il s’en lassait, ce qui l’a amené à écrire L’espion qui m’aimait pour montrer qu’il était capable d’écrire une histoire plus romanesque reposant sur les sentiments et non que des romans d’espionnage reposant sur des actions, il n’est jamais passé à l’acte.

Donc, je n’accepte pas qu’un comédien, parce que devenu producteur et en situation d’exiger la réalisation de ses volontés, s’arroge le droit de se démarquer de tous les autres interprètes du rôle, et crée un cycle à sa gloire, sans parler de l’imbroglio sur la suite de la saga2.

Mais je ne conteste pas le succès au box-office français (3,3 M entrées) et mondial (774 M$ de recettes). Ce film est un bon film d’action, mais est-ce un James Bond ?

Aussi, j’ai attendu la sortie du film en vidéo pour le revoir tranquillement et prendre le recul nécessaire pour analyser si ce dernier opus de Daniel Craig respecte les six points communs que j’ai identifiés et actualiser mon étude3.

1- On ne gagne jamais seul

Dans cet opus, James Bond agit rarement seul.

Pendant le pré-générique, mais il n’est pas en mission, il doit « sauver sa peau » et il utilise surtout ses qualités de combattant4. C’est l’homme James Bond qui est visé et non l’agent 007. Blofeld veut le faire souffrir par la profanation de la sépulture de Vesper et l’inoculation du doute de trahison de Madeleine. Il n’a pas besoin d’avoir une équipe pour ce combat qui ne concerne que lui. Il en sort physiquement indemne mais très meurtri moralement.

L’autre action en solitaire est dans la forêt norvégienne pour empêcher les hommes de Safin de capturer Madeleine et Mathilde. Malgré un combat héroïque, il échouera.

Les objectifs, dont tuer Safin, sont-ils une réussite ?

Pour réussir la mission fixée par M : « détruire Héraclès, tuer Safin et Obruchev, exfiltrer Le Dr Swan et sa fille », il demandera à Nomi de l’accompagner sur l’île de Safin. Cependant, ils se répartissent les rôles. Pour Nomi : récupération et mort d’Obruchev ; pour lui : récupération de sa femme et sa fille, destruction de l’arme sanitaire et mort de Safin. Il s’agit plus d’actions isolées que d’actions de concert. En fait, Madeleine se libère seule de la surveillance de Cyclope/primo et Mathilde est libérée par Safin après qu’elle l’ait mordu et qu’elle le dérange pour aller à la rencontre de ses clients. James a échoué à libérer Mathilde malgré son humiliation face à Safin. Il les confie à Nomi pour qu’elles quittent l’île. Il tue Safin, mais dans le combat celui-ci l’infecte et lui empêche tout contact avec ses « deux amours ».

Mourir n’est pas gagner

Pour la destruction de l’île et de l’arme sanitaire, il est seul et doit mourir pour réussir. Cette scène finale et macabre est, peut-être la preuve par l’absurde, que l’on ne peut jamais gagner seul. Mourir n’est pas gagner, même si l’ennemi est neutralisé.

A la demande de Félix Leiter, et par amitié pour ce dernier, il fait équipe avec Paloma, agent de la CIA, pour exfiltrer Obruchev de Cuba. Il y retrouve l’agent Nomi, nouveau 007, qui a le même objectif mais qui est plutôt leur rivale car elle agit pour le compte du MI6.
Si la collaboration avec Paloma est une réussite pour la capture du chercheur (surtout grâce à elle), en revanche, dès qu’il agit à nouveau seul en emmenant Obruchev pour le remettre à Leiter, il ne voit pas venir l’action du traitre Logan Ash, ce qui provoque la mort de son ami et l’évasion du prisonnier.

A la fin de cette partie, conscient que seul il est faillible et ne pourra gagner, il demande à reprendre du service au MI6.

2- Une équipe diverse

L’équipe est très réduite : Paloma (CIA), Nomi-007 (MI6) et Q (qui joue ici un rôle opérationnel, comme Moneypenny dans les précédents films avec Daniel Craig).

La seule Bond-girl est Madeleine Swan, qui n’est pas vraiment une aide, au contraire, même si elle tue un homme de Safin dans la forêt en Norvège et se libère seule sur l’île.

Qui partagent les mêmes valeurs, avec le même objectif …

Nomi et lui ont les mêmes valeurs professionnelles et se respectent (« Ce n’est qu’un numéro », quand elle demande à M de réattribuer à James Bond son matricule).
L’objectif est la mission fixée par M.

Aux compétences complémentaires …

Pas vraiment, ils ont tous le même profil, sauf Q qui apporte ses moyens techniques sophistiqués :

  • avion/sous-marin par gravité pour rejoindre l’île,
  • Q-DAR pour cartographier l’espace sur l’île,
  • smart blood pour tracer les deux agents,
  • montre qui court-circuite tous les réseaux filaires,
  • ses capacités informatiques.

C’est lui qui les guide dans le repère de Safin.

Les deux espionnes ont le même profil et quasiment le même comportement au combat, même si Paloma est plus « flamboyante ».

Où les attentes de chacun(e) sont respectées

Les attentes des membres de l’équipe sont uniquement professionnelles. James Bond n’a besoin de « retourner » personne, ni de jouer sur des motivations personnelles et affectives.

Il n’a pas besoin de les sauver, sauf Madeleine et Mathilde, mais c’est un combat personnel, quasiment familial.

3- Le comportement dans l’action

Saisir les opportunités

Dans le pré-générique sur le pont à Matera, il applique à la lettre ce principe en se glissant derrière un muret pour s’en servir comme écran contre les balles de ses assaillants en voiture et surtout en saisissant et utilisant le câble électrique pour sauter dans le vide. Le saut à moto, où il utilise comme tremplin le toit incliné d’une niche, est aussi remarquable.

Dans la forêt norvégienne, seul contre les sbires de Safin en jeeps et motos, il utilise le câble de remorquage de la jeep pour lyncher le motard.

En revanche, quand sur l’île, face à Safin, il feint l’humiliation pour prendre son pistolet, cette posture ne lui ressemble pas et cette action ne peut être considérée comme une saisie d’opportunité. Elle n’est pas respectueuse des codes et du comportement de 0075 ; nous sommes très loin du James Bond sur la table laser face à Goldfinger ou bravant Le Chiffre quand il est torturé sur une chaise percée.

Il semble devenir fragile en devenant père, ce n’est pas une saisie d’opportunité, et d’ailleurs, il rate son coup puisque que Safin s’échappe par une trappe avec Mathilde dans ses bras.

Innover

Il innove surtout grâce aux gadgets et moyens techniques de Q6 qui guide leurs actions depuis l’avion en vol stationnaire à proximité de l’île et qui organise les liaisons avec M.

L’arme nucléaire pour détruite l’île est une innovation.

Sortir du cadre

Il ne respecte pas la procédure avec Blofeld, puisqu’il a un contact physique avec lui et le violente. Cette sortie de cadre, entraîne la mort de Blofeld, non selon le scénario conçu par Safin où l’infection devait se produire par un contact de Madeleine, alors que cette dernière a quitté la pièce pour justement éviter tout contact. C’est un échec.

En revanche, à Cuba, Paloma percute volontairement l’échafaudage contre l’immeuble en haut duquel se tient Obruchev, afin de provoquer sa chute « amortie » et le récupérer quand il « atterri » au niveau de la rue, « à la barbe » de Nomi.

Madeleine sort aussi du cadre en tirant, pour la 2ème fois, sur un homme. Dans la forêt en Norvège, elle abat le motard qui les a localisées dans la cabane. La 1ère fois, c’était sur Safin, vingt ans plus tôt dans la maison à proximité. Contrairement à la 1ère fois, elle réussit à tuer l’agresseur, mais Safin arrive quand même à la kidnapper avec Mathilde.

La mort de Cyclope/Primo par l’explosion de son œil électronique provoquée grâce à la montre coupe- circuit de 007 est une sortie de cadre réussie.

Sans rejeter les anciennes méthodes

Le combat à armes à feu à Cuba, avec Paloma qui y joue un rôle majeur, est respectueux des méthodes et réflexes classiques avec tir sur les ennemis placés sur les balcons intérieurs et extérieurs.

L’utilisation des mitrailleuses et de l’écran de fumée de la DB5 à Matera, est un classique de 007. Ce n’est plus de l’innovation.

La poursuite en voitures en Norvège, avec les contacts, chocs et percussions entre véhicules, est aussi très conforme aux techniques traditionnelles.

Initialement, la destruction du site de production d’Héraclès est prévue avec des explosifs classiques. Mais la construction du site oblige à avoir recours à des missiles nucléaires.

Rester focalisé sur l’objectif

Il décide de mourir sur l’île pour assurer le succès de l’attaque des missiles nucléaires.
Bien sûr, le fait qu’il ne pourra plus approcher sa femme et sa fille lui facilite ce choix, mais ainsi, il garantit la destruction de l’arme sanitaire qui est un danger mondial et qui est sa mission.

4- Le Méchant/l’ennemi

L’organisation de Safin est surtout visible sur l’île, mais avec des « collaborateurs » qui sont des zombies.

L’attaque à Londres pour voler l’arme sanitaire est menée par le Spectre et non par lui.

Son « génie » est de s’être assuré la collaboration d’Obruchev qui a programmé l’arme à Cuba pour faire mourir les membres de Spectre et qui a la capacité de la faire évoluer en arme de destruction massive ; mais on ne perçoit pas une organisation sophistiquée et bien structurée.

Dans la forêt norvégienne, ce sont des hommes de mains classiques et basiques.

Perdant gagnant ?

Safin est dominé par sa soif de vengeance de sa famille qui a été tuée par Mr White7 (le père de Madeleine Swan) alors aux ordres de Blofeld et du Spectre. Son objectif « affectif » est la destruction de Spectre et la mort de Blofeld.
Une fois celui-ci atteint, sa motivation est, apparemment, la domination du monde via la vente de son arme sanitaire capable d’éradiquer des populations sélectionnées sur des critères multiples. Mais ce n’est pas limpide.

En revanche, Il protège Madeleine car il l’a épargnée quand elle était enfant et il a alors ressenti un sentiment encore plus fort que tuer : « J’ai sauvé une vie un jour et ça m’a fait plus d’effet … cette vie est à vous ». Cette relation avec Madeleine peut aussi expliquer son lien avec Mathilde qui n’est pas clair, même s’Il semble vouloir l’utiliser comme monnaie d’échange avec James Bond contre le désarmement des explosifs que ce dernier a placé au laboratoire.

Mais en infectant Bond et provoquant sa mort, il est, quand même, gagnant.

5- La gestion des faiblesses

Les femmes n’en sont plus une puisqu’il est amoureux d’une seule et devient faillible car père. Il ne séduit plus, mais ne prend toujours pas les autres femmes au sérieux (Paloma, Nomi).

Plus de passion du jeu : il n’y a même pas de scène au casino.

James est même moins alcoolique. Il ne boit plus de Bollinger8, mais jusqu’à son retour au MI6, il consomme, y compris dans l’action à Cuba, des vodka-martini shaken not stirred et du rhum.

6- Se détendre

James ne se détend jamais. C’est, peut-être, pour cette raison que, bien que réussissant sa mission, il meurt. Il ne respecte plus toutes les règles et les principes antérieurs.
L’affect le domine et le perd.

La journée passée dans la cabane en Norvège n’est pas vraiment de la détente. D’autant qu’il est, pour la première fois, sensible à l’affect paternel (scène de la découpe de la pomme pour le petit-déjeuner de Mathilde).

De nouvelles émotions, très éloignées des Martinis shaken and not stirred, des tables de baccara et des effusions « affectives » nocturnes.

La scène finale est le climax des scènes finales des films avec Daniel Craig.
Dans chacun, il s’interroge sur la poursuite ou non de sa vie d’agent secret au service de Sa Majesté. Dans cet opus, il n’a plus de vie, donc la question ne se pose plus.

En conclusion

Nous pouvons nous demander, si cette fin létale, qui est un échec même si la mission est accomplie, n’est pas due au fait que, dans cet opus, James Bond respecte très peu les points communs de 007 avec le Dirigeant :

  • on ne gagne jamais seul,
  • un comportement opportuniste dans l’action, avec un peu d’innovation,
  • focus sur l’objectif ;

mais

  • l’équipe est réduite, avec des compétences quasi-identiques et avec des motivations qui ne sont que professionnelles,
  • ses sorties de cadre sont catastrophiques, au lieu de provoquer le méchant pour entraîner un comportement égotique de ce dernier, il ose jouer la faiblesse et l’humiliation,
  • il ne se détend plus et oublie ses faiblesses qui étaient nécessaires à son « équilibre ».

Ce film atypique ne peut être source d’inspiration pour le Dirigeant.

Il confirme que la réussite de ce dernier et celle de son entreprise nécessitent, sûrement, la préservation d’approches, comportements et postures qui n’ont pas été ici appliquées. C’est une alerte pour le Dirigeant de ne négliger aucun de ses « presque 007 » points communs avec le James Bond iconique s’il veut gagner.

Laurent Fonnet

👉 Retrouvez ici les les tableaux récapitulatifs des films, avec les « méchants », les James Bond Girls, les menaces

👉 Sources

Notes 

1 j’ai eu la chance de le voir en avant-première au Rex à Paris avec les membres du club James Bond 007 France, puis le 5 octobre en famille. J’étais dans le même état après chaque séance

2 La dernière mention du générique de fin du film est « James Bond will return »3https://edition.fr/2020/07/james-bond-et-le-dirigeant-lintegrale-laurent-fonnet/

4 Voir le § Le comportement dans l’action 

5 Il répète cinq fois « je vous demande pardon » !

6 Cf. « aux compétences complémentaires » supra

7 Gâteaux à la dioxine lors d’une fête donnée en leur honneur.

8 Le placement de produit est incroyablement discret, voire quasiment invisible. 

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2 réponses

  1. […] James Bond will return in… Mourir peut attendre. Ce dernier opus avec Daniel Craig réunit-il lui aussi les points communs avec le Dirigeant ? Découvrez-le ici. […]

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